Juridiction compétente pour connaître de la contestation de la clause d’adhésion obligatoire à l’association de commerçants contenue dans un bail commercial

Posté par Virginie BOGUSLAWSKI
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Cass. 3e civ., 24 oct. 2019, n° 18-20.838

Aux termes d’un arrêt rendu le 24 octobre 2019, la Cour de cassation a estimé que la contestation de la clause d’adhésion obligatoire à l’association de commerçants, si elle est fondée sur la validité de la clause au regard du statut des baux commerciaux, relève de la compétence exclusive du Tribunal de grande instance et non du Tribunal de commerce.

Une Société, locataire de locaux à usage commercial dépendant d’un centre commercial, a cessé, à compter du premier trimestre 2015, de régler ses cotisations à l’Association des commerçants à laquelle elle avait adhéré en exécution d’une stipulation du bail lui en faisant obligation. L’association a assigné le preneur en paiement des cotisations devant un tribunal de commerce. La Société locataire lui a opposé le caractère réputé non écrite de la clause d’adhésion au regard des articles L. 145-15 et L. 145-16 du Code de commerce (atteinte à la propriété commerciale et une restriction à la liberté de cession de son fonds de commerce) et a soulevé l’incompétence du tribunal au profit d’un tribunal de grande instance.

La Cour d’appel a accueilli cette exception d’incompétence. Son raisonnement est validé par la Cour de cassation qui reconnaît la compétence du Tribunal de grande instance pour connaître de la contestation de la clause d’adhésion obligatoire à l’association de commerçants contenue dans un bail commercial : « l’obligation dont se prévalait l’association résultait de la clause d’adhésion obligatoire contenue dans le bail commercial, que la locataire considérait être réputée non écrite comme portant atteinte à la « propriété commerciale » et à la liberté de cession de son fonds de commerce, la cour d’appel a exactement retenu que le litige, qui portait sur la validité et l’exécution de l’engagement contenu dans le bail commercial au regard du statut des baux commerciaux, relevait de la compétence exclusive du tribunal de grande instance ».

Avant de revenir sur la question du tribunal compétent, un bref rappel sur la nullité des clauses d’adhésion obligatoire à une association de commerçants s’impose.

  • Le rappel de la nullité des clauses d’adhésions obligatoire à une association de commerçants

Le contentieux relatif à la validité des clauses d’adhésion obligatoire aux associations de commerçants est connu.

Ces clauses sont jugées nulles, comme attentatoires à la liberté contractuelle et à la liberté d’association (Cass, civ., 3ème, 12 juin 2003, n° 02-10.778 ; Cass, civ., 1ème,  20 mai 2010, n° 09-65.045). En effet, la liberté d’association implique le droit de ne pas adhérer et celui de se retirer à tout moment.

Récemment, la Cour de cassation a estimé que « l’association ne produisait aucun bulletin d’adhésion et que le seul paiement des cotisations pendant plusieurs années ne constituait pas l’expression d’une volonté libre d’adhérer, et énoncé exactement que les statuts de l’association, qui imposent à la société Eradis d’y adhérer, sans possibilité de démissionner, méconnaissaient les articles 4 de la loi du 1er juillet 1901 et 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que l’adhésion de la société Eradis devait être annulée » et encore que « la méconnaissance, par l’association, de la liberté fondamentale de la société Eradis de ne pas y adhérer, constituait une faute civile, la cour d’appel a violé le texte susvisé [C. civ., art. 1340] »  (Cass., civ., 1re, 27 sept. 2017 n° 16-19.878).

Cette dernière précision est importante. En effet, un preneur qui s’est vu contraint d’adhérer à une association par la signature d’un bail commercial n’aura plus à démontrer l’existence d’une faute distincte de la violation de la liberté fondamentale d’association pour prétendre à l’allocation de dommages et intérêts.

La seule violation de cette liberté d’association constitue ipso facto une faute engageant la responsabilité de son auteur, indépendamment du préjudice financier né des contributions indûment versées par le preneur.

Reste une question essentielle en suspens. Celle de savoir devant quelle juridiction la contestation de la validité de la clause d’adhésion obligatoire à l’association de commerçants doit être dirigée.

  • La compétence exclusive du TGI lorsque la clause est contestée sur le fondement du statut des baux commerciaux

Sur le fondement des articles R.211-4 du Code de l’organisation judiciaire, « Le tribunal de grande instance a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements, au nombre desquelles figurent les matières suivantes : (…)

11° Baux commerciaux à l’exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, baux professionnels et conventions d’occupation précaire en matière commerciale ».

De son côté, l’article R.145-23 du Code de commerce prévoit que : « Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal de grande instance ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.

Les autres contestations sont portées devant le tribunal de grande instance qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent » (nous soulignons).

A suivre ces deux articles, la contestation de la clause d’adhésion obligatoire à l’association de commerçants, bien que stipulée dans le bail commercial, devrait relever de la compétence des tribunaux de commerce, en vertu de l’article L. 721-3 du Code de commerce. En effet, elle ne porte pas directement sur le statut des baux commerciaux, bien que stipulée dans le bail, mais intéresse la liberté contractuelle du commerçant.

Ainsi par exemple, a-t-il été jugé que le Tribunal de commerce peut être compétent y compris pour trancher la contestation relative à la restitution de dépôt de garantie (Cass. 3e civ., 11 avr. 2019, n° 18-16.061).

En revanche, dès lors que l’action en contestation de la clause d’adhésion obligatoire à une association de commerçants se fonde sur le statut protecteur des baux commerciaux, le Tribunal de Grande instance, juge du bail commercial, retrouve sa compétence de principe. L’action devait donc être dirigée devant le Tribunal de Grande instance. En l’espèce, la Cour de cassation estime que « l’obligation dont se prévalait l’association résultait de la clause d’adhésion obligatoire contenue dans le bail commercial, que la locataire considérait être réputée non écrite comme portant atteinte à la « propriété commerciale » et à la liberté de cession de son fonds de commerce, la cour d’appel a exactement retenu que le litige, qui portait sur la validité et l’exécution de l’engagement contenu dans le bail commercial au regard du statut des baux commerciaux, relevait de la compétence exclusive du tribunal de grande instance ».

A contrario, si l’action en contestation de la validité de la clause d’adhésion obligatoire à l’association de commerçants n’avait pas été fondée sur l’application du statut protecteur des baux commerciaux, mais sur le droit commun, on aurait dû en déduire que celle-ci aurait dû être dirigée vers la juridiction consulaire, en application de l’article L. 721-3 du Code de commerce.

Reste que la décision commentée nous semble contestable. En effet, bien que prenant ici appui sur le statut protecteur des baux commerciaux, l’action en contestation de la validité de la clause d’adhésion obligatoire à l’association de commerçants n’est pas relative à l’application du statut des baux commerciaux stricto sensu.  Dans ces conditions, il n’eût pas été illogique de retenir la compétence du Tribunal de grande instance.

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